Michel Martelly, Youri Latortue, Victor Prophane, Romel Bell et Reynold Deeb ont soutenu et financé des gangs armés selon le groupe d’experts du Conseil de sécurité de l’ONU

Le groupe d’experts créé par le conseil de sécurité des Nations Unies pour travailler sur la situation d’Haïti a publié mercredi son rapport. Il établit les liens entre gangs, responsables politiques et élites économiques et cite notamment les noms de l’ex-président Michel Martelly, l’ancien Sénateur Youri Latortue, l’ex-député Victor Prophane, l’ancien directeur général l’AGD Romel Bell et  l’homme d’affaires Reynold Deeb  qui soutiennent et financent des gangs armés en Haïti.

Très attendu notamment par la presse haïtienne et des observateurs avisés, le rapport du groupe d’experts du conseil de sécurité des Nations Unies sur la situation d’Haïti est enfin publié mercredi. Dans ce document de 158 pages, les membres du comité de sanction créée par l’ONU, après avoir peint un tableau sombre de la situation, ont révélé des liaisons  entre les groupes armés qui terrorisent la population haïtienne et certains responsables politiques et économiques du pays.

Les acteurs économiques utilisent des gangs pour assurer la sécurité de leurs entreprises ou saboter leurs concurrents, tandis que les politiques les financent pour mobiliser ou contrôler les électeurs. Pour commencer, les experts citent nommément Michel Martelly, Youri Latortue, Victor Prophane, Romel Bell et l’homme d’affaires Reynold Deeb.

D’abord Michel Joseph Martelly. L’ancien chef de l’Etat, selon les experts de l’ONU, s’est servi des gangs pour étendre son influence dans les quartiers afin de faire avancer son agenda politique, contribuant ainsi à un héritage d’insécurité,  dont les effets se font encore sentir aujourd’hui. Le Groupe d’experts dit avoir reçu des informations selon lesquelles, pendant son mandat, Martelly a financé plusieurs gangs, tels que Base 257, ceux de Village de Dieu, de Ti Bois et de Grand Ravine, en leur fournissant des fonds ou des armes à feu.

Martelly a créé la Base 257, qui a été financée et armée au fil du temps pour empêcher les manifestations contre le pouvoir à Pétion-Ville, notamment à partir de 2014. Ce gang est régulièrement mêlé à des meurtres, des enlèvements, des vols et au trafic de drogue. L’ancien président, toujours d’après les experts, est également passé par des intermédiaires, notamment des fondations ou des membres de sa garde rapprochée, pour établir des relations et négocier avec d’autres gangs.

Pour ce qui est de Youri Latortueancien Président du Sénat haïtien de 2017 à 2018, il exerce un contrôle considérable sur la vie politique et économique du département de l’Artibonite dont il est originaire,  notamment par le recours à des groupes armés, comme celui Raboteau, qu’il finance et fournit des armes, dit le rapport.  

Plus récemment, des sources confidentielles qui se sont confiées au Groupe d’experts, ont révélé que Youri Latortue avait également financé le puissant gang « Kokorat Sans Ras », qui fait rage dans le département de l’Artibonite, en collusion avec celui de Raboteau. Il est dit que M. Latortue a eu recours à des gangs pour assurer sa protection rapprochée et détruire des biens.

Prophane Victor, un autre ancien parlementaire cité par les experts de l’ONU.  Pour assurer son élection en 2016 et son contrôle sur sa région, l’ex-député de Petite Rivière de l’Artibonite, a commencé à armer des jeunes qui ont ensuite formé le gang « Gran Grif », qui devient actuellement le plus important de l’Artibonite et principal responsable des violations des droits humains, y compris de violences sexuelles au niveau de ce département.

Prophane Victor a continué à soutenir la bande « Gran Grif » jusqu’en 2020, date à laquelle le gang et lui se sont brouillés à la suite de promesses non tenues faites pendant la période électorale. Depuis, il soutient des gangs rivaux et des groupes d’autodéfense dans la région.

Concernant le directeur général du Groupe Deka, Reynold Deeb, les experts révèlent qu’il finance des membres de gangs pour protéger son entreprise et assurer le transport des marchandises qu’il importe. En 2017 par exemple, Reynold Deeb a payé un chef de gang afin de pouvoir mener ses activités dans l’un des principaux ports. Plus récemment, d’après plusieurs sources indépendantes, M. Deeb a utilisé des membres de gangs pour faire pression sur certains douaniers du port afin que ses conteneurs ne soient ni inspectés ni interceptés, ce qui lui a permis d’éviter certains droits d’importation.

Reynold Deeb, toujours selon le rapport, profitant de la forte demande de produits alimentaires en 2019, a soudoyé des députés, qui ont ensuite payé des chefs de gangs pour disperser les manifestations anti-gouvernementales pour débloquer les rues afin de permettre l’entrée de ses marchandises dans le pays.

Quant à Romel Bell, le Groupe d’experts constate que certains douaniers avaient été impliqués avec lui dans des malversations financières. Le Directeur général des douanes de 2018 à 2022, a toléré un système corrompu qui a compromis les processus de contrôle douanier, ce qui a eu un impact non seulement sur les recettes douanières, mais aussi sur la capacité des douanes d’empêcher le trafic de marchandises illicites, y compris d’armes et de stupéfiants, à destination et en provenance du pays.

En guise de recommandations, le groupe d’experts recommande entre autres au conseil de sécurité des nations unies : d’appliquer l’embargo sur les armes ciblé à tous les acteurs non étatiques en Haïti et non plus seulement aux personnes et entités visées par les sanctions ; renforcer des capacités de la Police nationale d’Haïti, en particulier en ce qui concerne les enquêtes, les moyens de lutte contre la violence des gangs, la lutte contre le trafic d’armes et de drogue, et la gestion des armes et des munitions, notamment au moyen du panier de fonds pour la sécurité ; soutenir le renforcement de l’intégrité et des capacités du système judiciaire afin de mettre fin à l ’impunité des personnes qui menacent la paix et la sécurité du pays, notamment les gangs et leurs commanditaires ; et  renforcer la protection internationale des réfugiés et des migrants haïtiens sur leur territoire, conformément au droit international des droits de l’homme.

Michelot EXAVIER

 

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