Hier soir juste avant 9 :00pm, heure de l’Est, la chambre des Représentants du Congrès américain dans un vote historique s’est prononcé en faveur de la destitution du Président américain Donald John Trump avec 229 voix pour et 198 voix contre avec un Représentant démocrate qui a voté avec les Républicains. Maintenant, le Sénat américain, majoritairement républicain est face à son destin pour juger le Président Trump. Le Sénat conduira un procès où un vote de deux tiers (soit 66 votes sur 100) serait nécessaire pour démettre le président de ses fonctions. Les républicains ont présentement 53 sièges au Senat sur 100; les Démocrates ont 45, et 2 sièges sont détenus par des indépendants.
C’était comme hier dans ma première classe de Droit Constitutionnel à l’école de droit ou la Professeure Broussard a dit « La Constitution Américaine est la loi mère de ce pays et personne n’est au-dessus de la loi dans ce pays. » J’ai souri et bien sûr elle m’a demandé après la classe pourquoi ce sourire, et sans hésitation, j’ai répondu : « Je suis haïtienne et elle n’a pas insisté dans son interrogation ». Après dix-neuf ans aux États-Unis et quinze ans à travailler dans le domaine légal à commencer par mon premier travail au bureau du Défenseur public à Orlando, je n’ai jamais cru qu’un jour que je revivrai le processus de mise en accusation d’un président américain par la Chambre des représentants. Le Président Donald Trump devient le troisième Président américain à être mis en accusation après Andrew Johnson (24 Février 1868) et William Jefferson Clinton (19 Décembre 1998) tous deux ont été acquittés par le Sénat par la suite.
Au niveau fédéral, le processus de mise en accusation est une procédure à trois étapes qui sont : premièrement, le Congrès enquête sur les allégations; deuxièmement la Chambre des représentants adopte à la majorité simple les articles de destitutions; troisièmement le Senat juge l’accusé. Dans ce cas particulier, la conduite du Président Trump envers l’Ukraine et son refus de coopérer avec l’enquête sur la mise en accusation; La Constitution américaine dans son Article 1 section 2 stipule « la Chambre des représentants choisit son président et les autres membres du bureau; et aura le seul pouvoir de destitution. » La loi de la destitution se définit comme étant le processus par lequel « un organe législatif porte plainte contre un fonctionnaire. La mise en accusation ne supprime pas le fonctionnaire. » En droit pénal l’équivalent de la mise en accuse est un acte d’accusation. Par conséquent, la mise en accusation du président américain même dans un contexte législatif n’est pas une situation flatteuse pour le Président Trump qui est sans équivoque le meilleur candidat à date pour représenter le parti républicain aux élections présidentielles de novembre 2020 si ce parti veut rester au pouvoir.
Par contre, dans un contexte politique où la nation américaine est divisée sur la question de la destitution du président le pays est en alerte et la population veut la stabilité politique, sociale, et économique. Au fait, un nouveau sondage de CNN réalisé entre le 4 et le 15 Décembre, 2019, révèle que « l’opposition ne dépasse pas de loin le soutien à la destitution de président Donald Trump – 46% des Américains pensent que Président Trump devrait être destitué et 49% pensent que le président devrait rester au pouvoir pour continuer ce qu’il a commencé. » De plus, un autre sondage révèle que le « taux d’approbation du Président Trump est passé de 39% à 45%. » Il faut aussi souligner que dans un sondage de CNN datée du mi-Novembre 2019, le soutien à la destitution et au renvoi du Président Trump était de 52%.
Le Président Trump a pendant longtemps qualifié de harcèlement politique le processus de mise en accusation entamé par la chambre des Représentants mais hier soir, les Représentants démocrates au Congrès américain ont choisi de se ranger du côté de l’histoire et de la Constitution au lieu de se ranger aux côtés du président. Mais à quoi servira cette mise en accusation pour les Américains, dans un contexte politique aussi pollué avec l’utilisation exagérée des réseaux sociaux par les non-experts en politique qui ont tous des opinions?
La mise en accusation du Président Trump par la chambre des Représentants renvoie la balle au Sénat qui a maintenant le devoir historique de juger le président envers et contre tous. Comme précédent, le Senat, à deux reprises, a acquitté les présidents Andrew Johnson et Bill Clinton, eux aussi mis en accusation dans deux contextes historico-politiques. Aura-t-on un déjà vu avec ce Sénat majoritairement républicain dont 23 Sénateurs auront à défendre leurs sièges aux élections législatives de 2020? Les temps ont beaucoup changé à cause des réseaux sociaux qui de nos jours sont le moyen le plus sûr et le plus direct de faire passer un message et le président Trump a fait des réseaux sociaux son meilleur allié pour se défendre dans l’opinion publique et jusqu’à date, il a réussi à garder en vie son aventure avec cette opinion publique sur les réseaux sociaux. Si le président est acquitté par le Sénat, certains membres de ce sénat survivront-ils aux prochaines élections législatives en choisissant de passer l’éponge sur la mise en accusation de leur président?
Le Sénat qui a le pouvoir exclusif de conduire des procès de mise en accusation servant principalement de tribunal et de juge aura à faire un choix historique et légal basé sur les faits et sur la loi mère de la nation. Par contre, beaucoup pensent d’ores et déjà que le Sénat ne sera pas à la hauteur pour juger Président Trump parce qu’il n’est pas prêt à affronter son destin en donnant les 20 voix qu’il faudrait aux démocrates pour démettre le président américain Donald Trump de ses fonctions.
Soeurette Michel, Avocat LLM en Droit International Interculturel